La grande tragédie, c’est de n’avoir pas vaincu la mort durant la vie. Aussi bien, le vrai problème n’est pas de savoir si nous serons vivants après la mort, mais si nous serons vivants avant la mort. Il n’y a aucun sens à postuler quoi que ce soit au delà de la mort, si d’abord on n’a pas vaincu la mort durant sa vie.
C’est dans la mesure où l’on vaincra la mort durant la vie, que l’on atteindra à un sommet d’où l’on pourra entrevoir l’horizon de l’immortalité comme une réalité d’ailleurs intérieure à nous-mêmes, car le véritable au delà est un au dedans.
Le temps, c’est simplement la distance de nous mêmes; et le temps peut se transformer en éternité, dans la mesure où nous intériorisons, où nous faisons de notre existence une existence de don.
Si nous étions vivants avant la mort, s’il y avait en nous cette grandeur, cette puissance de rayonnement où s’atteste une valeur, s’il y avait en nous une source jaillissante, si notre vie portait partout la lumière, si elle était en dialogue avec l’Éternel, si nos actions n’étaient pas limitées, si elles avaient toute l’ampleur et toute la portée que l’amour peut conférer, la mort serait progressivement vaincue, le temps nous éterniserait et nous multiplierions «ces heures étoilées » dont parle Zweig